Le 20 janvier 2025, Donald Trump sera réinvesti en tant que président des États-Unis. Son nouveau mandat suscite déjà de nombreux débats et interrogations. Au cœur des inquiétudes figurent certains membres de son gouvernement, ainsi que ses soutiens et son entourage.
Le 20 janvier prochain, Trump et son équipe prendront officiellement les rênes de la première puissance mondiale. Climatosceptiques, complotistes, grands patrons de la tech : l’équipe Trump et ses soutiens dessinent un tableau digne d’une dystopie. Si l’on ne peut pas prédire les décisions qui seront prises dans les années à venir, on peut toutefois s’attarder sur celles déjà annoncées pour imaginer les États-Unis sous l’administration Trump, en s’intéressant à deux des grands noms de la tech qui gravitent autour de lui.
Elon Musk contre Wikipédia : le combat de la désinformation
Dans cette version Trumpiste des Avengers, un homme s’est illustré dès le début de la campagne présidentielle : Elon Musk. PDG de SpaceX et Tesla, homme le plus riche du monde (selon le classement Forbes 2025) et futur “ministre de l’efficacité gouvernementale” de l’administration Trump, il est désormais le bras droit du POTUS. Un rôle non négligeable, d’autant que le milliardaire possède le réseau social X depuis avril 2022, en ayant fait son principal outil de communication.
C’est d’ailleurs sur son compte X qu’il a, en décembre dernier, lancé un appel au boycott de Wikipédia, qu’il accuse de véhiculer une idéologie “woke”. “Arrêtez de donner à Wokepedia jusqu’à ce qu’ils rétablissent l’équilibre dans leur autorité éditoriale”, avait-il déclaré dans une publication adressée à ses plus de 200 millions d’abonnés. Quatrième site le plus consulté au monde, avec plus de sept milliards de visiteurs mensuels, Wikipédia s’est toujours positionné comme une plateforme neutre grâce à son fonctionnement collaboratif.
Si le torchon brûle depuis longtemps entre Musk et Wikipédia — en octobre 2023, il avait proposé à Wikimedia (la fondation derrière Wikipédia et ses sites associés) un milliard de dollars pour renommer le site “Dickipedia” — cette nouvelle attaque s’inscrit dans une stratégie précise : utiliser la désinformation comme arme politique. Selon une étude menée dès 2023 par des chercheurs de l’USC, de l’UCLA, de l’UC Merced et de l’Oregon State University, les discours haineux et la désinformation ont fortement augmenté depuis le rachat de la plateforme. Dès son arrivée, Elon Musk a rétabli de nombreux comptes bannis (dont celui de Donald Trump), licencié une grande partie du personnel, et modifié l’API du site pour en rendre l’accès plus difficile aux chercheurs. Résultat : la désinformation occupe une place grandissante sur X.
Par exemple, le média The Conversation s’est penché sur le climatoscepticisme sur ce réseau social, en étudiant le cas de l’Arctique. Sur les 500 publications en français les plus relayées chaque mois entre mai 2022 et mai 2023, il y a eu plus de trois fois plus de désinformation que sur la période précédant le rachat. Selon leurs observations, dans un mois type, 90 % des publications les plus relayées sur le sujet niaient ou minimisaient le réchauffement climatique.
Pour Donald Trump, dont la communication repose largement sur des campagnes de désinformation, Elon Musk représente un atout stratégique majeur. Si le milliardaire s’oppose désormais à Wikipédia, c’est dans le but évident de discréditer une source libre et gratuite d’informations susceptible de contredire les idées qu’il diffuse. L’appel au boycott vise à réduire l’influence de l’encyclopédie, que beaucoup utilisent comme source principale — voire unique — de savoir.
Les métamorphoses de Mark Zuckerberg
Mark Zuckerberg, le créateur de Facebook, cherche lui aussi à se faire bien voir par Donald Trump en offrant Meta en sacrifice à ses idées. Dans cet objectif, il a annoncé, le 7 janvier, une modification de la politique de modération sur les réseaux sociaux du groupe Meta. Il sera désormais, par exemple, autorisé de qualifier les personnes LGBTQ+ de "bizarres" ou de "malades mentales". De plus, selon un document interne confidentiel de formation de Meta, cité par le média The Intercept, des expressions comme "les homosexuels sont des pêcheurs", "les gays sont des monstres" ou encore "les personnes transgenres sont immorales" seront bientôt tolérées. Ce changement a suscité de vives réactions au sein de l’opinion publique, de nombreuses personnes exprimant leur colère ou leur inquiétude. "Les nouvelles directives de Meta ne permettent pas de traiter les personnes de malades mentales – à moins qu'elles ne soient LGBT+", a déploré, mercredi 8 janvier, le compte du collectif LGBWithTheT sur la plateforme X. Sarah Kate Ellis, présidente du groupe de défense des droits LGBT GLAAD, a quant à elle déclaré : « Meta donne le feu vert aux gens pour cibler les personnes LGBTQ, les femmes, les immigrants et d’autres groupes marginalisés avec de la violence et des récits déshumanisants. »
Zuckerberg s’est également exprimé sur le podcast de l'animateur conservateur américain Joe Rogan, où il a évoqué sa décision de supprimer le service de fact-checking sur ses réseaux – une autre porte ouverte à la désinformation. Il a comparé ce service à "Big Brother", antagoniste du roman 1984 de George Orwell, et a expliqué vouloir restaurer la « liberté d’expression ». Alors que Zuckerberg affichait, les années précédentes, une grande ouverture d’esprit, il opère ici un retour en arrière conservateur sur de nombreux aspects. Le milliardaire, louait il y a quelques jours l’importance de "l’énergie masculine" dans la société et expliquait vouloir lui donner une plus grande place, au détriment de politiques d’inclusivité et de diversité. "Je pense qu’une grande partie de notre société est devenue (…) castrée en quelque sorte ou émasculée", insistait-il avant d’ajouter : "Il y a quelque chose de bon dans la masculinité, et une culture qui valorise l’agressivité a du mérite."Ces déclarations ne plaisent pas non plus aux employés de l’entreprise. "C’est le chaos total en interne chez Meta en ce moment", a déclaré l’un d’entre eux à 404 Media. Selon un autre salarié, certains ont même pris des congés, envisageant de quitter l’entreprise. "Personne n’est enthousiaste ou heureux de ces changements", a-t-il ajouté.
Bien que Zuckerberg ait, par le passé, entretenu des relations tendues avec Donald Trump, il amorce depuis l’été dernier un revirement stratégique, soutenant ouvertement ce dernier pendant sa campagne présidentielle ainsi que lors de la tentative d’assassinat dont il a été la cible. Le chef d’entreprise a par la suite félicité le nouveau président élu, lui annonçant qu’il avait hâte de travailler à ses côtés. S’il n’a pas été nommé membre de l’administration, la stratégie du créateur de Facebook – et ancien rival d’Elon Musk dans la tech, mais aussi sur le ring – semble porter ses fruits. En novembre, il a obtenu une invitation dans la résidence de Trump, à Mar-a-Lago, en Floride, et en a profité pour "clairement indiquer qu'il voulait soutenir le renouveau national de l'Amérique sous la direction du président Trump". En décembre 2024, Meta a fait don d'un million de dollars au fonds finançant l'investiture de Donald Trump. Un investissement qui, on peut l’imaginer, sera rapidement rentabilisé.
Vers un techno-État au service des riches
Ces exemples s’inscrivent dans une dynamique bien connue : celle du soutien des milliardaires à Donald Trump et de leur rapprochement idéologique. Ils sont nombreux, d’Elon Musk à David Sacks, financier de la Silicon Valley, en passant par Peter Thiel, cofondateur de PayPal. Ils partagent tous une même vision du monde et souhaitent faire reculer les idées progressistes au profit de leurs intérêts économiques.
Dans cette version du monde, les géants de la tech contournent les lois et en créent de nouvelles, tandis que des personnalités comme Alice Weidel, cheffe de file du parti d'extrême droite allemand AfD, qui défend notamment l’idée que les nazis étaient des communistes – plongeant dans le révisionnisme historique – peuvent tenir les pires propos sous couvert de "liberté d’expression".
Le but affiché de ces milliardaires est clair : justifier leur vision politique et décrédibiliser leurs adversaires en utilisant la désinformation, la peur ou leur influence comme armes. Alors que Donald Trump s’apprête à rejoindre le Bureau ovale, la rhétorique orwellienne chère à l’extrême droite commence à résonner dans l’esprit de certains de la pire des manières.
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